Brunello di Montalcino 85, 95 et 97

Comme les hasards sont bien faits, j’ai eu l’occasion en ce début mars qui est sous le signe de la Toscane de participer à une dégustation de Brunello di Montalcino. J’ai ainsi été invité par Michel Lavigne à une dégustation avec son groupe. Les membres de ce groupe se réunissent et dégustent ensemble depuis près de trente ans. C’est la troisième fois que je déguste avec eux. Il s’agit de dégustation à l’aveugle et dans lesquelles il y a un thème qu’il faut découvrir. Il peut s’agit d’une région, d’un cépage, d’un millésime, d’un domaine, etc. Ainsi, nous ne savons pas encore que nous allons déguster des Brunello di Montalcino. Pour savoir à quoi ressemble ces vins dispendieux que vous avez en cave, lisez la suite.

Contexte et déroulement de la dégustation

Les dégustations sont toujours organisées de la même manière. D’abord, chacun apporte ses verres, car l’hôte du moment n’a pas nécessairement 60 verres de dégustation sous la main. Le groupe est rarement présent au complet et il manque toujours une ou deux personnes. En contre partie, la personne qui organise la dégustation a le droit d’avoir quelques invités, dont le nombre dépend des places disponibles. Ce jeudi, nous étions neuf. Il y a d’abord Michel, l’hôte et l’organisateur de la dégustation. C’est lui qui « fournit » les vins, bien qu’à la fin de la dégustation les membres du groupe lui remettent chacun un montant d’argent. Parmi ces membres, il y a Rolland, Bruce, Brian, Malcolm (ancien chroniqueur de vin au journal Montreal Gazette) et Martha (Agence Connexion Oenophilia). Enfin, il y a Danielle et Pierre, des amis que Michel a invités, ainsi que moi qui deviens, à ma troisième présence parmi eux, une sorte de « hang around » du groupe.

La table de dégustation est recouverte d’une grande nappe blanche, avec des carafes et des verres pour l’eau, ainsi que des corbeilles de pain. Il n’y pas de seau, car nous sommes ici pour déguster et pas pour cracher des grands crus. Les bouteilles sont des bouteilles numérotés dans lesquelles les vins de la soirées ont été transvidées. Il n’y a aucun moyen de savoir ce que nous buvons. Chacun s’installe avec ses six verres devant lui et se sert lui-même les vins. Quand tout le monde est installé, la dégustation commence. Michel nous donne quelques indications, très peu, alors que certains lui posent des questions, histoire de le travailler un peu et voir s’il n’échapperait pas un indice. Michel s’obstine à ne pas répondre. Nous savons que nous avons devant nous des vins d’un certain prix et qu’il n’y a pas de « pirate ».

La dégustation débute ainsi en silence. Chacun procède comme il le veut et prend des notes. Si des discussions s’entament ici et là, nous n’échangeons pas sur les vins comme tel. À un moment, après vingt à trente minutes de dégustation, quand tout le monde est prêt à commenter les vins, nous commençons alors à échanger nos impressions. Ceci se fait cependant dans l’ordre, soit chacun notre tour, les uns à la suite des autres. Michel qui préside au bout de la table désigne Rolland à sa droite pour commencer, ensuite moi et ainsi de suite dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Chacun y va de ses commentaires sur les différents vins, les arômes identifiés, les impressions quant à l’évolution de chacun, les rapprochements qui peuvent être faits et enfin ceux qu’il préfère et ceux qu’il aime moins. Ensuite, Michel nous demande de deviner ce que c’est, autant en terme de régions, de cépages que de millésime.

Pour Rolland, ce sont des vins italiens, mais qu’il n’arrive pas à situer. Pour moi, ce sont des vins espagnols à base de garnacha en raison du caractère oxydé, fluide et goudronné de ces vins. Pour Bruce, ce sont peut-être des Brunello di Montalcino : ces vins ne lui plaisent pas et il n’aime pas le Brunello, donc ce pourrait en être. Mais il n’est pas catégorique. Brian et Malcolm hésite également. Pour tout le monde, ces vins sont Européens, mais non Français. La plupart penche pour l’Italie tout en n’évacuant pas l’Espagne. Seul Martha sera catégorique : ces vins sont des Brunello. Enfin, en tant qu’invités, Pierre et Danielle sont dispensés de l’exercices, mais donnent néanmoins leur avis. Pierre suggère que ce sont des Chianti, alors que Danielle rit de lui. Le verdict final : ce sont des Brunello di Montalcino.

 

Commentaires de dégustation

Le premier vin dégusté est un Brunello di Montalcino Tenuta Col D’Orcia 1985. La couleur est tuilé et le vin apparait tout de suite plus vieux que les autres, mais pas tant que ça. Les arômes sont très tertiaires : les fruits caramélisés. En bouche, il est très expressif et dominé par des arômes de fruits noirs confiturés. L’acidité est faible et les tannins sont très soyeux et peu présents. Si le vin a bien tenu la route, il commence à être trop vieux et manque un peu d’acidité.

Le deuxième vin dégusté est un Brunello di Montalcino Caparzo 1997. La robe du vin est également tuilé, mais avec des notes de cerise. Au début, le nez est un peu fruité, mais surtout floral, entre autres la violette et le lilas, puis chimique avec des arômes d’hydrocarbure. En bouche, le vin est frais et à nouveaux les tannins sont peu présent et très soyeux. Le vin manque cependant d’amplitude et n’est pas très charnue (WS 91).  

Le troisième vin est un Brunello di Montalcino Caparzo 1997 riserva. Moins tuilé et plus cerise que le vin précédent, ce vin est malheureusement bouchonné. C’était un grand vin et on perçoit encore des arômes fruité et épicé de réglisse. Le vin est rêche en bouche et ne me parle pas .   

Le quatrième vin est un Brunello di Montalcino Castello Banfi 1997. De couleur rouge cerise tuilé, c’est le plus aromatique et le plus charmeur. Les arômes sont à la fois animal et végétal. En bouche, il est végétal et tertiaire. L’acidité est un peu faible, les tanins sont fondus et le vin offre une très belle longueur. Le vin le plus charmeur des six (WS 94).  Le cinquième vin est un Brunello di Montalcino Castello Banfi Pogio all’Oro 1997 riserva. De couleur cerise tuilé, le nez de ce vin est discret. Il met un certain temps à s’ouvrir. Les arômes sont animal, cacaoté et confituré. Il est plus tannique que les autres, mais n’offre pas toute la matière qu’on désirerait avoir pour un vin de ce prix. Il est même court en bouche. À laisser respirer une heure (WS 96).

Le sixième vin est un Brunello di Montalcino Castello Banfi 1995 riserva. La couleur est rouge tuilé avec des reflets cerises. Il est plus profond et plus “brun” que les autres. Au nez, on remarque le passage en fût de chêne, il est végétal et, au fur et à mesure qu’il s’ouvre, tend à devenir animal. L’acidité est plus présente et les tannins fondus. Une belle longueur fruitée marque la finale en bouche qui à nouveau, manque de charpente. 

 

Conclusion

Certains d’entre nous ont réussit à identifier qu’il s’agissait de Brunello di Montalcino, alors que d’autres étaient assez proche. Pour ma part, j’étais dans le champ. Je crois que j’aurais aimé avoir devant moi six grands vins espagnols… (voir Vendredi du vin #11). Mais je n’ai jamais pensé que c’était des Brunello di Montalcino en raison du manque de corps et de se structure de ces vins. Également, c’était la première fois que je buvais de vieux Brunelo. Les nez et les arômes étaient tous beaux et remplis de promesses. Mais tous manquaient de matière et de structure en bouche.

Que faire alors avec nos Brunello di Montalcino 1997 en cave ? Je suggère de commencer à songer à les boire. Mais rien ne sert de s’énerver. Nous avions un 1985 dans la série. Et s’il paraissait de toute évidence plus vieux que les autres et commençait à présenter des signes de déclin, il était la preuve que les Brunello di Montalcino 95 et 97 peuvent encore attendre cinq ans sans problème. Peut être que les arômes se complexifieront davantage d’ici là, mais je doute que le corps s’améliorera. Je reste perplexe devant les évaluations faites par Wine Spectator (June 30, 2002)  lors de la sortie des Brunello di Montalcino 1997. Les Brunello sont-ils devenus des vins à boire jeune?

 

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