Négociants traditionnels du vin

Depuis ses origines, le vin est un produit agricole à vocation commerciale.

Des Grecs de l'Antiquité jusqu’aux multinationales contemporaines, cet aspect mercantile a orienté l’ensemble des développements qu’ont connu la viticulture et la vinification.

  • Le rôle des négociants anglais et hollandais dans l’émergence du vignoble bordelais est bien documenté.
  • Il en va de même pour les négociants de la Bourgogne, du Beaujolais, et de la Champagne.

Néanmoins, malgré l’importance de ces négociants, la littérature subsume souvent une partie de leurs activités sous la figure du vigneron, les réduisant au rôle de simples intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs.

À l’instar de l’ensemble des activités sous-tendant la production de vin, le commerce se ponctue de différentes tâches et se divise en spécialisations professionnelles.  René Pech expose les modalités de la commercialisation du vin en Languedoc et en Roussillons aux 19ième siècle.

Le négoce se caractérise par toute une série d’intermédiaires, du plus petits au plus gros, ayant des rôles variés.

  • Il y a les négociants expéditeurs qui, installés dans les villes du Languedoc, regroupent les vins régionaux et les expédient vers les lieux de consommation. Ceux-ci font affaire avec différents courtiers.
  • Les courtiers des villages sont les auxiliaires des négociants et servent d’intermédiaires entre ces derniers et les petits propriétaires. Ils sont voisins, parents et ami des petits viticulteurs qu’ils prospectent et auxquels ils transmettent les offres d’achat des négociants.
  • Il y a également les courtiers des villes, qui sont à la solde des grands propriétaires souvent établis en ville. Ceux-ci, à l’inverse, prospectent les négociants à la recherche du meilleur prix de vente pour leurs patrons.
  • Enfin, les commissionnaires sont des courtiers envoyés dans les régions viticoles comme mandataires d’un commettant. Ils prospectent tant les petits que les grands propriétaires au nom d’un négociant distributeur qui lui est installé sur les lieux de consommation.
  • Ces négociants distributeurs, en contact également avec des négociants expéditeurs, distribuent le vin auprès des détaillants, qui eux le vendent directement aux consommateurs.


Traditionnellement, en l’absence d’institutions financières dans les campagnes, les négociants jouaient également le rôle de banquiers auprès des propriétaires. Accaparant une partie importante du profit viticole, ils l’investissaient dans leurs propres affaires, souvent dans des équipements vinaires, ou même dans des vignobles : plusieurs d’entre eux ne se confinaient pas uniquement au rôle d’intermédiaire. 

Bien des négociants ne sont pas de simples revendeurs, ce sont des négociants-éleveurs.

  • Les négociants anglais et hollandais établis dans la région de Bordeaux, cherchant à satisfaire la demande de leur propre pays, développèrent les eaux-de-vie des régions de l’Armagnac et de Cognac, les vins blancs liquoreux de Sauternes et de Barsac, et enfin apportèrent une série d’améliorations aux techniques de vinification annonçant l’élevage et l’œnologie moderne (Dion, 1959; Lachiver, 1988; et Juste, 1991).

Dans l’histoire de la viticulture, les négociants-éleveurs occupent un rôle novateur de premier ordre. Comme le démontre l’exemple de la Bourgogne, l’implication des négociants dans la vinification n’est pas limitée à la seule région de Bordeaux, même si ces derniers s’avèrent les mieux connus.

Christophe Montez nous décrit en détail les activités des maisons de négoce dans la régions de Tain-L’Hermitage au 19ième siècle : 

  •  « le commissionnaire assure le suivi technique du vin –soutirer les vins, vérifier chaque fût, choisir les meilleures futailles-, s’occupe du transport et est chargé de payer le vigneron » (Montez, 1998 :208). 
  • « Le vin acheté en pièces est acheminé au siège de la maison de négoce où il est stocké et conditionné. Le conditionnement du vin est du domaine du négociant. Lui seul peut au 19ième siècle acquérir le matériel et les bâtiments nécessaires et se permettre d’attendre comme Duglas et Sylvestre plus de vingt ans pour vendre une cuvée d’Hermitage » (Ibid.). 
  • Cette maison de négoce se caractérise par un personnel spécialisé :« un teneur de livres pour les écritures et la caisse, un caviste-chef pour diriger les opérations et les soins à donner au vin, un ouvrier caviste pour les ouillages, soutirages et emballage, un ouvrier tonnelier et une femme pour les commission en ville, les problèmes de régie, de transports –chemin de fer, bateau à vapeur-, les relations avec les fournisseurs, la poste aux lettres. Il s’agit-là d’un effectif minimum » (Ibid. :209). 

Aujourd’hui, le rôle des maisons de négoce n’est plus le même qu’auparavant. Les transformations du marché ont entraîné la disparition des nombreux intermédiaires existant au 19ième siècle, et la reconversion de plusieurs négociants en vinificateurs spécialisés, accomplissant uniquement cette opération, alors que ce sont les représentants qui se chargent de la commercialisation du vin.