Vins nature

Depuis quelques années, les vins nature gagnent en popularité, ici comme ailleurs. Ce thème est par exemple régulièrement abordé dans les pages dédiés au vin du journal anglais The Guardian. Au Québec, les vins nature se sont introduits dans quelques restaurants (Pastaga, Manitoba, etc.) par le biais de certaines agences (Oenopole, Rézin, LaQV, LesDécuveurs, etc). Cette popularité peut être en partie reliée à certaines tendances Hipp pour les produits authentiques et artisanaux. Deux camps semblent se dessiner autour de ces vins. Il y a les POUR fustigeant l’utilisation de produits chimiques et de techniques qui dénaturalisent les vins et il y a les SCEPTIQUES qui, sans pour autant être contres, ont certaines réserves.

 


La première et principale réserve, partagée par de nombreux producteurs, est qu’il n’existe aucune législation pour encadrer et contrôler la production et la commercialisation des vins nature. Par conséquent, personne ne peut clairement définir ce qu’est un vin nature. Premièrement, certains sont produits à partir de raisins issus de l’agriculture biologique. Mais ce ne sont pas tous les vins nature qui détiennent des certifications bio. Deuxièmement, les vins nature sont des vins dans lesquels aucun produit chimique n’aurait été ajouté durant le processus de fermentation. Enfin, l’objectif est également de permettre la meilleure expression du terroir. Or, le concept de terroir se définit sur la base du sol et du climat, mais aussi de la tradition, donc de l’intervention humaine.

La deuxième réserve a trait à la qualité des vins eux-mêmes. Si on en trouve de très biens, on en rencontre également qui, dans la perspective de l’œnologie moderne, ont des défauts. Plusieurs présentent des arômes d’étables (cuir, épice, foin) associées à la « brett ». Pour certains, c’est un défaut, pour d’autres c’est une qualité naturelle du vin. Certains consommateurs aiment, d’autres n’apprécient pas du tout (voir le commentaire de Janivine concernant le Château le Puy 2005)

La tendance des vins nature s’oppose justement à divers procédés visant à stabiliser le processus de fermentation. Entre autres, elle s’oppose à l’utilisation d’ajouts chimiques (produits chimiques du vin). Et lorsqu’on discute avec des producteurs, la question du vin nature semble se résumer à l’utilisation du soufre (les fameux sulfites) qui permettent de stabiliser et favoriser la conservation du vin. On peut et on doit se préoccuper de la présence de produits chimiques dans nos aliments.

En contrepartie, l’utilisation de procédés physiques (centrifugeage, microbullage, pasteurisation à froid, etc.) ne présente aucun risque pour la santé. Les tenants des vins nature sont néanmoins contre. Premièrement, ils altéreraient l’expression des terroirs (bien qu’un producteur m’a déjà expliqué qu’au contraire ils permettent une meilleur extraction de la spécificité aromatique des cépages et des sols). Deuxièmement, ils ne font pas partie du processus naturel de fermentation. Or, la production de vin est une action artificielle, car elle consiste à arrêter et stabiliser le processus de fermentation du jus de raisin avant qu’il ne devienne naturellement du vinaigre.

À quel moment les interventions humaines dans le processus de fermentation des vins sont naturelles ou artificielles ? La réponse se trouve du côté des croyances. Il n’y a pas de critères objectifs permettant de distinguer les interventions naturelles des interventions artificielles. C’est une question de jugement de valeurs et de croyances. Pour le moment, cette tendance pour les vins nature peut être comparé à une forme de religion qui semble faire de plus en plus d’adeptes.

Récemment, Patrick Désy, faisait dans le blogue Méchant raisin, de son propre aveu, une montée de lait sur le sujet et utilise justement l’adjectif « Ayatollah » pour qualifier certains sommeliers. Lorsque ceux-ci décident de concevoir ce qui est normalement accepté comme étant des défauts et d’en faire des qualités du vin, on se retrouve en effet devant une forme d’acte de foi. Enfin, à l’image de certains pratiquants plus orthodoxes, les croyants des vins nature tendent à regarder les mécréants de haut.

Enfin, selon moi, cette tendance doit également être interprétée comme une tactique commerciale de la part de certains producteurs pour se démarquer. Entre autres, pour de petits producteurs individuels, cela permet de se distinguer des gros producteurs et des très gros producteurs ayant obligatoirement recours à des procédés de production plus industriels.

À long terme, si cette tendance permet de sensibiliser les consommateurs, les producteurs et les autorités concernant l’utilisation abusive de produits chimiques dans le vin, cela aura du bon. Le vin et les boissons alcooliques sont les seuls aliments pour lesquels on n’exige pas que soit inscrite la liste détaillée des ingrédients. L’inscription sur la bouteille des ingrdients contenus dans le vin pourrait être un premier élément objectif qui permettrait de déterminer ce qui est du vin nature et ce qui n’en est pas. Également, cette tendance constitue un ajout intéressant à la diversité de l’univers du vin. Mais devant des vins défectueux, tâchons de demeurer critiques et évitons de venir grossir aveuglément les rangs de quelques sommeliers barbus fanatiques .

La SAQ offrait depuis quelques années déjà un répertoire de vins biologiques. Elle lançait la semaine dernière une opération « vin nature ».

Voici deux vins se démarquant parmi ceux dégustés:

Trinchero Terra del Noce Barbera d’Asti 2008, 24,50$

Grenat avec un beau nez de cerise, d’épice, légèrement animal et légèrement empyreumatique. Savoureux en bouche avec un beau fruit vibrant, un peu d’épices et légèrement floral.

 

Domaine Catherine et Pierre Breton Chinont Beaumont Épaulé Jeté 2012, 22,70$

Violacé avec un beau nez fruité légèrement végétal et avec un peu de miel. Les arômes en bouche suivent le nez avec un peu de barrique et de torréfaction. Les tanins sont légèrement sentis et l’ensemble présente un bel équilibre.

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