Château Mission Haut-Brion et souvenirs de Bordeaux

L’automne dernier, j’ai eu l’occasion d’aller à Bordeaux pour participer à un colloque. Je n’avais pas beaucoup de temps, mais j’en ai profité pour visiter un domaine : La Mission Haut-Brion,  dans l’AOC Pessac-Léognan. Cette AOC est surprenante, car les domaines se retrouvent enclavés dans la ville de Bordeaux. Cette visite fut pour moi l’occasion de déguster le vin de La Mission Haut-Brion, ainsi que le vin du Château Haut-Brion, les deux domaines étant voisins et appartenant au même propriétaire, la société Clarence Dillon. Ce fut également l’occasion de redécouvrir le plaisir des vins de Bordeaux, desquels je m’étais un peu détourné au cours des dernières années. En guise d’excuses (à vous, à moi-même et aux producteurs bordelais), voici quelques suggestions.

Aller à Bordeaux constitue un véritable pèlerinage pour l’amateur de vin. C’est un peu comme aller à Rome pour le chrétien. Bordeaux n’est peut-être pas la plus belle région vinicole, ni la plus facile à visiter, mais c’est autour du modèle des vins de Bordeaux que s’est développée la culture moderne du vin, l’intérêt et la recherche pour les vins de la plus grande qualité qui soit. C’est parce que les Grands Crus de Bordeaux sont les vins de qualité recherchés depuis le plus longtemps, ce sont les plus valorisés et ceux qui se vendent le plus cher.

Outre les caves et les châteaux , il y a la ville elle-même qui est magnifique avec ses immeubles en pierre de calcaire, les anciens entrepôts dans le quartier des chartons le long des quais de la Gironde, la Cité du vin, musée consacré au vin et à l’architecture impressionnante et, enfin, la multitude de cavistes, dont L’intendant, où l’offre de vins, étrangers et bordelais, est incomparable.

Bordeaux, La Cité du vin

Étant serré dans le temps, j’avais réservé une visite à la Mission Haut-Brion, le domaine étant proche d’où je résidais. En arrivant, je suis d’abord impressionné par le vignoble entièrement ceinturé de murs et  de clôtures en fer forgé. Les grilles d’entrée sont majestueuses avec leurs tours gothiques (illustrées sur l’étiquette du deuxième vin du domaine, La Chapelle de la Mission Haut-Brion). Le Château est très beau et les différentes sections qui le compose témoignent de l’histoire du domaine.

Mme de Lestonnac, au 17e siècle, légua aux Pères Lazaristes, une congrégation fondée par Saint Vincent de Paul, la propriété devenue aujourd’hui La Mission Haut-Brion. Les Lazaristes (prêtres de la Mission) les premiers développeront et soigneront le vignoble. Le Château conserve encore aujourd’hui  la chapelle de l’époque à l’intérieur de laquelle sont consignées en lettres d’or sur les murs les années des meilleurs millésimes.

L’Archevêque de Bordeaux et le Maréchal de duc Richelieu, Gouverneur de Guyenne, gastronome et libertin, sont des amateurs des vins de La Mission et contribuent à le faire connaître sur la table des Grands. À la faveur de la Révolution française, le domaine repasse aux mains de laïcs, alors que différentes familles de propriétaires se succèdent jusqu’à son acquisition par la Domaine Clarence Dillon S.A en 1983 (également propriétaire du Château Haut-Brion). Le président actuel en est Le prince Robert de Luxembourg.

Aujourd’hui, c’est la même équipe d’employés qui œuvrent aux soins des vignes et des chais dans les deux domaines. Les propriétés des deux domaines sont  d’ailleurs contigües et elles ne sont séparées que par une rue. Fait intéressant, la charge de maître de chais s’est transmise de père en fils sur trois générations de Georges, Jean-Bernard et  à Jean-Philippe Delmas.

À notre visite, on nous présente d’abord une vidéo expliquant l’histoire du domaine. Ensuite, on nous fait visiter les installations de vinification, les chais pour l’affinage des vins et les alentours du château.

Enfin, on nous amène dans une  salle somptueusement décorée, où nous avons le plaisir de déguster les vins rouges de La Mission Haut-Brion et du Château Haut-Brion.

Les deux vins sont excellents, quoique d’un millésime correct (2011 -7/10 [Nadia Fournier]). Un millésime « classique » de nous dire notre guide. Le Château La Mission Haut-Brion 2011 est de couleur rubis soutenue. Le nez est beau et complexe sur la cerise, le cuir et légèrement épicé. La bouche est fruitée sur la cerise avec un côté herbacé frais. Les tannins sont serrés et bien présents (davantage que dans le Château Haut-Brion) et le vin est très long en bouche. Par comparaison, le Château Haut-Brion est de couleur rubis-grenat un peu plus clair. Il offre un très beau nez fruité et complexe, particulièrement épicé et herbacé. En bouche, on est davantage sur le cuir, le tabac et le sous-bois. Les tanins sont plus fins et soyeux, quoique légèrement sentis. Le vin parait encore jeune et gagnera à vieillir. Sa finale est très persistante.

Le verdict ? Ce sont deux excellents vins. Le Château Haut-Brion m’a semblé effectivement  légèrement supérieur. Quand mon père qui m’accompagnait a su le prix de la bouteille (300 € pour l’un et 500 € pour l’autre), il a dit : « Est-ce que je pourrais en ravoir un peu ? ». Est-ce que ces vins valent ce prix ? À mon sens aucun vin ne vaut un tel montant. On peut en trouver des aussi  bons, mais différents, à 50$ la bouteille. C’est uniquement  la renommée, la  rareté et le déséquilibre entre l’offre et la demande qui explique leurs prix. Je dois même avoué que si ce domaine était à la fine pointe de la technologie viticole dans les années 1960, l’un des premiers à se doter de cuves en Inox, les équipements me semblaient même un peu dépassés comparativement à ce que j’ai pu observer dans la vallée de l’Okanagan (Colombie-Britannique) où tous les équipements étaient très sophistiqués et à la fin pointe des connaissances œnologiques contemporaines. Je trouvais presque choquant d’apprendre que le remontage se fait par pompes mécaniques (et non pas par gravité).

Ce séjour à Bordeaux fut néanmoins pour moi l’occasion de redécouvrir le plaisir des vins de Bordeaux, entre autres les Bordeaux courants que j’aimais beaucoup il y a une quinzaine d’années mais que j’avais tendu à délaisser. Autant dans des restaurants ou des soirées, j’ai eu le plaisir de redécouvrir leurs arômes fruités avec une légère torréfaction et ce côté humide typique des vins de Bordeaux. Quand on peut se procurer un Château Haute-Barde Saint-Émilion Grand Cru 2014 pour 24 € au super marché (presque aussi bon que le Château Haut-Brion!), il y a de quoi se réconcilier avec les vins de Bordeaux. Ce que j’ai fait avec quelques découvertes et redécouvertes depuis mon retour.

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